Fascinée par la question du double et de l’alter-ego, dans sa série au long cours doppelgänger, la photographe Myriam Tirler joue sur l’illusion et le réel avec ses duos de portraits qui malgré la gémellité troublante, s’avèrent être la réunion de deux personnes totalement anonymes l’une à l’autre.
Le cadre posé à la lueur d’une lampe de bistrot, au carrefour d’une rue piétonne ou devant les pierres défraîchies de cette vieille maison de vacances, invite à découvrir l’atmosphère intime d’un portrait de famille à la fois pudique et spontané. Les regards se croisent, les gestes se répondent ou sinon se complètent. La physionomie et les postures de ces interprètes d’un jour sont minutieusement observées et articulées de sorte à lier les traits du visage, révéler la ressemblance mais aussi l'asymétrie, additionner les couleurs vestimentaires ou les harmoniser. C’est avec beaucoup de subtilité que la photographe parvient à créer une situation insolite tout en nous donnant le sentiment que celle-ci est bien réelle.
Qui ne s’est jamais posé la question de l’existence d’un double, d’un sosie totalement étranger à soi-même que l’on pourrait croiser par hasard en bas de chez soi ? Ce mélange d’inquiétude et de curiosité ? Cet ego qui pousse à vouloir se sentir unique et ce fantasme d’un.e autre que soi que l’on découvrirait peut-être un jour, si les énergies cosmiques le veulent bien ?
La photographe précise que lors de ces rencontres, principalement à Paris, il y a toujours une gêne au début, mais qu’après un certains temps, la magie opère et certaines personnes gardent parfois contact après cette expérience singulière.
Le doppelgänger, aussi appelé anomalie dans de nombreux scénarios de science fiction, remet en cause des acquis religieux, scientifiques et philosophiques. Quant aux fragments d’histoires fictives et sensibles que nous raconte Myriam Tirler, ils nous incitent à nous questionner sur notre identité et notre rapport au monde.
Diplômée de l’école de photographie de Vevey en Suisse, Myriam Tirler est une artiste photographe. Elle vit et travaille à Paris en poursuivant un travail photographique personnel tout en réalisant des commandes pour la presse, des institutions mais aussi en collaborant avec d’autres artistes, des architectes et des chorégraphes. Elle réalise des portraits mais s’intéresse aussi plus largement au rapport du corps à l’espace ou à son environnement, et particulièrement à son environnement politique. Elle développe aussi des ateliers dans différentes structures sociales.
En 2020 elle rejoint l’agence Hans Lucas. En décembre 2022, « Lectures de prison », des portraits de détenus en tant que lecteurs ainsi que certaines de leurs créations sont exposés à la Bibliothèque Claude Lévi-Strauss à Paris.
Photos © Myriam Tirler
Texte : Elise Beltramini
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