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Arts visuels - Portrait de Mathias Mareschal

Ancrées dans une démarche écologique et une poésie singulière, les oeuvres de l'artiste plasticien Mathias Mareschal tissent un lien intime avec le paysage et nous invitent à une réflexion sur notre interaction avec notre environnement naturel.

Animé par une exploration profonde et respectueuse du paysage, Mathias Mareschal délaisse les outils traditionnels pour s’appuyer sur les lois de la nature, créant des œuvres qui s’identifient aux éléments qui les ont formées. Il utilise des matériaux simples, souvent récupérés ou prélevés directement dans l’environnement, pour générer des effets surprenants. En hommage au littoral atlantique, dans ses projets Failles et Ensemble de trois variations, présents dans la collection du Frac Poitou-Charentes, l'artiste laisse le paysage imprimer sa propre énergie, couleur et forme dans l’œuvre.


Son art, loin de se limiter à une simple représentation, devient un acte de communion avec la nature, soulignant notre responsabilité collective dans la sauvegarde de l’environnement. Chaque création de Mathias Mareschal est une célébration poétique du monde naturel, un plaidoyer artistique pour une harmonie retrouvée entre l’homme et la terre.





Peux-tu nous parler de ton parcours ?


Diplômé de l’Ecole Régionale des beaux-Arts de Besançon puis d’un Master recherche en esthétique à la Sorbonne, j’ai complètement quitté le monde artistique durant une dizaine d’année. J’y suis revenu il y a maintenant 5 ans avec une pratique de la peinture, on peut donc dire que je suis un jeune artiste malgré mes quarante ans…


Comment caractériserais-tu ta démarche artistique ?


J’ai commencé par la peinture à l’huile, de grands formats, des visions paysagères. Une peinture figurative avec beaucoup de matière et des touches assez brutales. Puis, petit à petit, j’ai dilué la peinture qui a commencé à couler sur la toile. Je dirigeais de moins en moins la matière, jusqu’à pratiquer une peinture sans pinceaux. Je froisse, plie, déplie, projette, coule… C’est interroger la distance que j’entretiens avec le support qui m’intéresse, l’acte plus que le sujet. Le paysage est toujours présent dans mon travail, non dans un rapport de représentation mais plus de correspondance, presque « malgré moi ».


Ta pratique s’articule autour de la peinture et de la céramique. De quelles manières ces différentes formes d’expression te permettent t’elles d’explorer notre environnement naturel ?


Que ce soit de l’argile ou de la peinture, j’utilise ces matériaux comme des révélateurs, révélateurs de formes et de couleurs que je vais chercher dans le paysage lui même, hors de l’atelier. Ces matériaux viennent épouser la morphologie du paysage, par empreinte ou absorption par exemple. Ce processus nécessite un travail en prise direct avec la nature qui m’entoure. Je pars marcher avec de l’argile et quelques tissus dans le dos, sans idée, rien n’est pensé a priori. La rencontre entre le paysage et les matières se fera ou non… souvent pas d’ailleurs…dans ce cas, restera la marche qui prend une importance grandissante dans mon travail.




Failles, 2022, moulage de failles rocheuses du littoral atlantique, grès,

Collection Frac Poitou Charentes



Le Paysage, fil conducteur de tes oeuvres, est vécu comme une « physique naturelle », constituée des quatre éléments (que sont l’eau, le feu, l’air et la terre). Aborder un processus scientifique pour le révéler plutôt que de tendre vers une représentation subjective, c’est que l’on peut notamment voir dans Failles. Peux-tu nous en dire plus sur ce projet ?


Oui, comme je le disais, j’ai peu à peu abandonné la peinture à l’huile et sa peinture de paysage, son point de vue dominant sur son environnement, je suis sorti du châssis pour travailler main dans la main avec la nature qui m’entoure et ainsi désencombrer mon travail de toute notion de représentation. Je n’ai aucune formation scientifique, tout mon travail se fait de manière empirique mais avec une certaine rigueur qui peut rappeler l’approche scientifique. Par cette approche je vise toujours l’émerveillement comme mise au point finale de la création. La série Failles est née de cette visée. En projetant de l’argile au fond de failles des roches que l’océan laisse apparaitre à marée basse, j’ai obtenu des volumes, sortes d’empreintes du vide. Une fois séchées, ces empreintes d’argile ont été cuites à haute température (1260C°), les différents oxydes et autres éléments invisibles à l’œil nu ont ainsi révélé leurs couleurs à la cuisson. Du fond des failles, la couleur est apparue. Ce travail est finalement issu de préoccupations très picturales.


Dans ta série de trois pièces réalisée à l’acrylique sur toile métis, le tissu devient l’empreinte d’une roche vivante et mouvante, telle une photographie qui perdurerait dans le temps. La notion de mémoire est-elle importante dans ton travail ?


Quand j’empreinte c’est davantage le rapport que j’entretiens avec l’élément empreinté qui m’occupe. Plus que la volonté de le figer dans le temps même si cela est inévitable.




Sans-titre 1,2,3, 2022, ensemble de trois variations mesurant chacune 110cm x 150 cm, acrylique sur toile métis,

Collection Frac Poitou Charentes 



L’environnement étant au centre de ta pratique artistique, comment en es-tu venu à aborder la thématique écologique dans ton travail ?


La volonté de me mettre en retrait dans mon processus de création, entretenir une certaine distance avec le support, être spectateur de la matière au travail s’est peut-être muée en une forme d’humilité face à la nature, un geste minimal, ne pas en rajouter, je ne sais plus quel artiste disait qu’il ne voyait pas vraiment quoi ajouter en regardant une ligne d’horizon… Mais je n’aime pas parler de thématique, un thème se choisit et je n’ai pas l’impression d’avoir fait un choix. Mon travail se rapproche d’une certaine économie de gestes et de moyens donc peut-être d’une certaine écologie. Mais cela est né de préoccupations plastiques plus que « politiques »  même si j’y suis très sensible.



Projet en cours, 2024



Quels sont tes projets à venir ?


Je travaille actuellement à créer des ponts entre la pratique de la céramique et la peinture. Notamment en allant chercher différents types d’argiles dans la nature environnante. L’argile, une fois récoltée, décante dans plusieurs bains. J’y trempe de larges formats de tissus.

Le tissu prend la couleur en même temps qu’il prend l’eau, absorbe l’argile dans ses fibres, la couleur traverse le support, passe du ventre à son dos. Le tissu n’est plus surface mais semble prendre en lui quelque chose de la matière du paysage…




Photos © Mathias Mareschal

Propos recueillis par Élise Beltramini

 

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